Bienvenue sur le podcast d’Eduscopie, organisme de formation certifié, qui accompagne les porteurs de projets et les pédagogues dans leur optimisation administrative et pédagogique.
Nous accueillons aujourd’hui Gipsy qui est fondatrice de l’école indépendante démocratique École Mahana située en Suisse, une école qui propose un libre choix des sujets d’apprentissage et des activités à leurs élèves. Nous allons parler aujourd’hui de liberté, de responsabilité mais aussi de création d’école. Bienvenue Gypsy.
Gypsy : J’habite en Suisse et j’ai cofondé une école qui a ouvert en 2019 qui a pour base l’école démocratique. J’ai d’abord été enseignante de primaire, ensuite j’ai fait une formation d’enseignante spécialisée. Entre deux j’ai été éducatrice spécialisée auprès personnes porteuse de handicap puis dans le domaine des dépendances.
En 2019, nous avons ouvert une école suite à l’intérêt de plusieurs personnes autour de moi et de plusieurs autres enseignants qui avaient observé ce qu’il se passait dans les écoles démocratiques ainsi qu’au niveau du unschooling avec André Stern par exemple pour en avoir fait eux-mêmes.
Eduscopie : L’unschooling est-il réglementé en Suisse ?
Gypsy : Oui, contrairement à la France, la particularité suisse, est que tous les cantons ont leurs propres lois au niveau de l’école ou de la déscolarisation. Certains cantons autorisent uniquement les enseignants à pouvoir pratiquer le unschooling ou le homeschooling parce qu’il faut suivre le plan de l’étude romand. Dans d’autres cantons comme ici au Jura, c’est encore assez libre, les familles doivent s’annoncer. Pour le moment il n’y a pas vraiment de restriction, mais il y a des examens que les enfants doivent passer annuellement et qui sont contrôlés.
Eduscopie : Est-ce que tu peux nous rappeler le cadre pour les écoles indépendantes ? Est-ce la même chose? Est-ce par canton?
Gypsy : Je connais surtout mon canton. Chez nous, ça convient parce qu’il y a les écoles semi-privées qui correspondent aux écoles sous contrat françaises et nous sommes une école privée ce qui peut correspondre aux écoles or contrat en France où on n’a pas de subvention d’Etat. On a un contrôle périodique de la part des conseillers pédagogiques qui viennent à peu près deux fois par an. Chez nous ils viennent parce que c’est nouveau, après ils adaptent en fonction des écoles.
Eduscopie : Est-ce que c’est un régime déclaratif ? Vous déclarez l’ouverture de votre école, ou vous devez demander une autorisation pour ouvrir ?
Gypsy : On doit avoir une autorisation.
Chez nous l’autorisation est jusqu’en 2023 on doit la renouveler cette année. On nous a laissé assez de temps entre 2019 et 2023 pour mettre en place les choses. Là on doit demander l’autorisation de renouvellement c’est donc pour ça qu’ils sont venus assez régulièrement jusqu’à maintenant voir si pour eux il est possible de renouveler en 2023.
Eduscopie : Est-ce que tu peux nous présenter ton école, ses spécificités organisationnelles et pédagogiques ?
Gypsy : Au niveau de notre école, proche des écoles démocratiques, il y a la liberté de choix des apprentissages. Chez nous les enfants apprennent vraiment à s’autonomiser. Pour cela on les accompagne et on les coach pour qu’ils arrivent à mettre en route leurs projets, sortir de la procrastination et pouvoir réaliser ce qu’ils ont vraiment envie de faire. Ca c’est au niveau pédagogique.
Au niveau de l’organisation on est une école plus sociocratique que démocratique. Tout ce qui concerne les adultes, au niveau des lois, du règlement de l’école, la gestion du personnel c’est réparti et géré par les facilitateurs. Les enfants s’impliquent dans tout ce qui est de l’organisation de l’école, des activités de l’école et des règles de vie de l’école ; tout ça est géré en sociocratie avec les élèves.
Eduscopie : Peux-tu nous expliquer la différence entre sociocratique et démocratique ?
Gypsy : Oui, alors la démocratie telle qu’on la pratique ici en Suisse, par exemple dans nos villages est très proche de la sociocratie, c’est-à-dire que c’est une démocratie directe, les décisions sont prises par tous les membres de l’assemblée.
En sociocratie la différence c’est que la décision n’est pas à la majorité. Donc dans la prise de décision ça demande un peu plus de temps puisqu’on la prend par consentement, c’est-à-dire qu’il n’y a plus d’objection, il ne faut pas que tout le monde soit d’accord et soit enthousiaste à l’idée, mais au moins qu’il n’y ai plus d’objection. Donc on prend les décisions à zéro objection et là il y a tout un apprentissage de savoir qu’elle objection peut être retenue. Est-ce que c’est une objection qui est en lien avec la raison d’être de l’école, est ce qu’elle concerne le groupe? ou est-ce que c’est une opposition que j’émets parce que c’est quelque chose qui m’est personnel et donc que j’oppose.
C’est vraiment une chose difficile à mettre en place au début, c’est aussi parfois un peu difficile pour les enfants mais gentiment ils arrivent à comprendre ça.
Et donc la différence c’est que ça prend du temps dans le mode de décision puisque c’est pas juste voter personnellement et arriver à une majorité, mais c’est vraiment arrivé à trouver un consensus entre tout le monde et ça prend du temps. Maiis quand on l’a c’est beaucoup plus vite mis en application après puisqu’il n’y a plus d’opposition.
Eduscopie : Est-ce que cette spécificité de pédagogie a été bien accueilli ?
Gypsy :
Pour les facilitateurs oui, on s’est tous formés en sociocratie. On a aussi, à notre niveau, chacun son cercle, ça fonctionne par cercle, c’est organique comme dans un organisme humain, si le cœur ne fonctionne pas ça va créer des problèmes pour tout le reste de l’organisme. Il faut que tout fonctionne bien. Donc entre facilitateurs on a déjà chacun son domaine de compétence, dans la gestion de l’école chacun qui s’occupe de sa partie et prend les décisions à son niveau.
C’était une autre façon de faire dont on n’était pas habituer au départ mais tout le monde était vraiment volontaire pour se lancer dans ce nouveau modèle et maintenant ça serait difficile pour nous de revenir en arrière et de faire autrement. On a vraiment pris cette habitude de tous collaborer et de prendre ses décisions et d’en être responsable.
Au niveau des élèves, pour les plus jeunes ils sont entrés la dedans très facilement. Pour les plus âgés, des fois c’est aussi une adaptation à faire mais gentiment car ils voient aussi qu’ils ont la possibilité de s’exprimer et que c’est pris en compte. Si ce n’est pas pris en compte c’est argumenter et volontiers accepté.
Après y’a les parents, on a des réunion de parent une fois par mois avec les familles et donc ça arrive qu’on traite différentes thématiques de l’école dont la sociocratie et la prise de décision a zéro objection. C’est peut-être pour eux que c’est le plus difficile à comprendre mais en s’entraînant ils comprennent le fonctionnement et ça vient gentiment, en tous cas ils sont d’accord même s’ils n’arrivent pas à se l’approprier vraiment.
Eduscopie : Qu’est-ce qui vous a poussé à monter un tel projet ?
Gypsy : J’ai été initiatrice avec une autre collègue, Naomi, on a trouvé l’équipe de base et on a fédéré des gens. Moi c’était de me rendre compte que dans l’école, il y a pleins de choses qui ne correspondent pas. Je pense qu’on est dans un écosystème humain, chacun est différent on a des besoins différents, chacun a des compétences, des qualités, des talents qui lui sont propres et s’ils sont écrasés c’est dommage pour tout le monde. S’il y en a d’autres qui sont trop mis en avant il n’y a pas d’équilibre. Et puis, quand j’étais dans l’enseignement spécialisé je travaillais avec des enfants ayant un retard scolaire, et là bas, ils n’arrivaient pas à suivre, donc on devait forcément adapter à leur rythme, à ce qu’ils pouvaient. Et je me suis dit que c’est extra comme mode de fonctionnement seulement, c’est dommage que tout le monde ne puisse pas en profiter, il fallait ouvrir cette possibilité là, à plus d’enfants.
Eduscopie : Et quelles ont été vos difficultés dans votre parcours de création ? En quelle année vous avez ouvert déjà ?
Gypsy : En 2019 mais on avait commencé le projet en 2017.
Eduscopie : D’accord donc vous avez mis à peu près deux ans de création.
Gypsy : Un peu plus, on a rédigé les documents etc. On a fait beaucoup de choses pendant deux ans, puis après il a fallut une année pour que le canton dise oui ou non au concept, c’était un peu difficile pour eux, ils ne savaient pas trop dans quoi ils se lançaient. C’est seulement au bout d’une année qu’ils ont accepté..
Eduscopie : Est-ce que vous avez eu des difficultés par exemple dans tout ce qui était montage financier ou pour trouver les locaux ?
Gypsy : Les locaux ça a été assez facile en fait, on est dans une commune qui fonctionne avec beaucoup de choses alternatives il y a des agriculteurs alternatifs, etc. Donc le fait qu’on arrive là n’a pas posé de difficultés pour eux.
Ensuite, le montage financier, au début il y avait énormément de gens qui était intéressés pour venir dans le groupe de projet et on s’est très vite rendu compte par le biais de l’école dynamique qu’être trop nombreux ce n’était pas possible parce qu’on ne pouvait pas mettre tout le monde d’accord et ça allait freiner le projet. Et être pas assez ça n’allait pas avancer, donc on a fixé a peu près une moyenne de sept à huit personnes pour former le noyaux des fondateurs de projet.
Ensuite, à côté on a créé une association de soutien et les autres personnes se sont retrouvées dans l’association de soutien. Ce qui nous a permis d’organiser des manifestations, des rencontres, des projections de films, différentes choses qu’on a faites, en plus de ramener des fonds de base pour la création de l’école.
On a aussi fait une recherche de fonds en allant directement dans la population, donc on avait un crowdfunding qui était réalisé sur les réseaux sociaux mais on allait directement dans les marchés au contact de la population locale pour expliquer. Ca permettait déjà d’expliquer le projet, de faire connaître et ensuite on récoltait des fonds plus volontiers quand les gens étaient déjà en contact avec nous. Et ce fond de base a déjà permis a l’école d’avoir une assise financière pour démarrer, après c’est comme toutes les écoles alternatives pour le moment, on a des salaires qui sont extrêmement bas et on tourne vraiment avec peu de moyens.
Eduscopie : Ca c’est une question qui revient souvent, combien de budget faut-il pour créer une école ? Ça dépend souvent du loyer ?
Gypsy : C’est tellement aléatoire, ça dépend aussi des besoins financiers, au niveau des salaires, c’est surtout la masse salariale qui est le plus conséquent. Une partie de l’équipe a dû fonctionner sur ses économies pendant un moment pour lancer les choses après on a pu être tous salariés mais avec des petits salaires. Maintenant on est en train de voir comment on pourrait améliorer ça. Ca va dépendre de beaucoup de paramètre en fait. Il y a des écoles alternatives qui tournent mieux mais aussi parce qu’elles ont des écolages élevés.
Nous le but n’était pas d’être élitiste donc on a mis des écolages abordables par rapport au salaire moyen des personnes dans le canton mais après on a dû adapter les salaires en fonction de ce montant.
Eduscopie : À combien sont les frais de scolarités chez vous?
Gypsy : Chez nous ça correspond à peu près à 7000 euros l’année pour le premier enfant puis après c’est dégressif, le 3e enfant est dans les 3000 euros l’année.
Eduscopie : Est ce qu’on peut revenir sur les spécificités pédagogiques, dans les écoles démocratique il y a le type SummerHill et le type Sudbury. Comment ça fonctionne chez vous ? En termes d’apprentissage, de la gestion des projets des élèves, est-ce qu’ils arrivent avec un projet ? Est-ce qu’ils le formalisent au sein de l’école, comment ça se passe pour les apprentissages de vos élèves ?
Gypsy : Parfois il y a des demandes, certains élèves nous disent qu’ils aimeraient savoir plus ou moins ce que savent leurs copains qui sont dans le public, dans ce cas on voit avec eux. Donc ils se retrouvent par groupes et puis on peut mettre en place comme à Sudbury, des cours de langues etc. Ils doivent s’engager et suivre ces cours régulièrement. S’ils ne viennent pas, on arrête et on donne la priorité ailleurs. On essaye vraiment d’insister sur le fait qu’ils s’engagent sur leurs projets. Ils ont pleins de projets, hier par exemple on a fait une marche et on est allés dans la forêt, l’après-midi les parents étaient invités à un pique-nique. C’était le projet d’une élève de faire une sortie avec toute l’école, on l’a soutenu et accompagnée, donc elle a été voir les lieux, fait le parcours elle-même à pied et en même temps elle a écrit le mail d’invitation pour les parents et le mail d’organisation de la journée.
Souvent ils annoncent leurs projets au conseil d’école et si ça intéresse plusieurs personnes on le met en route collectivement. Si c’est un projet individuel, ils vont chercher un facilitateur pour les aider.
Comme on retient 90% des choses qu’on enseigne aux autres, quand un enfant a envie d’apprendre un sujet en maths ou en langues etc, je demande à un autre élève qui a déjà fait cette matière de lui expliquer. Des fois ça marche et des fois ça marche pas, parce qu’il y en a qui ont encore du mal. C’est tout un apprentissage de pouvoir enseigner à l’autre, mais d’arriver à transmettre les choses ça consolide au niveau des apprentissages. Donc on met aussi en place la possibilité qu’ils viennent nous poser des questions mais à la fois qu’ils puissent aussi s’entraider, en les orientant vers l’élève qui aura déjà traité le sujet souhaité.
Entre eux des fois ils organisent aussi des projets sans nous demander puis d’un coup ils arrivent avec un projet qu’ils ont créé ensemble, sans nous avoir dit quelque chose de spécial.
Comme dans les écoles Sudbury ils doivent être certifiés pour utiliser le matériel qui peut être dangereux ou dont il faut faire attention, en nettoyant correctement un pinceau par exemple. Donc pour ça ils ont des certifications, et quand ils sont certifiés ils peuvent être autonomes pour réaliser les projets qu’ils ont envie.
Eduscopie : Est ce que les certifications sont inspirées d’une autre pédagogie comme Freinet avec les ceintures de compétences ou c’est encore autre chose ?
Gypsy : J’ai déjà entendu parler des ceintures mais je ne pourrais pas dire si c’est comme ça ou pas.
Eduscopie : D’accord, et les conseils d’école quelle fréquence ont-ils pour présenter les projets ?
Gypsy : C’est toutes les semaines, quand il n’y a rien de nouveau, les enfants disent en cours s’ils ont avancé ou pas sur le projet. Ce qu’on remarque aussi c’est qu’ils ont pleins d’idées donc y’a souvent une liste de beaucoup de choses mais c’est souvent en cours, donc on voit avec eux pour mettre les choses en œuvre ou de les retirer de la liste des choses à faire du conseil d’école parce que si c’est juste une intension mais que ça se matérialise pas ça ne fait pas sens.
Donc on les incite à prendre leurs responsabilités, à devenir autonomes et engager les choses. L’autonomie est différente de l’indépendance, il ne s’agit pas de faire tout tout seul mais de savoir trouver les ressources. En sachant qu’une des premières ressources qu’ils ont besoin de trouver c’est la capacité à mettre en œuvre les choses, souvent ils viennent vers nous en disant qu’ils n’y arrivent pas, qu’ils ne savent pas comment s’y prendre etc. C’est pour ça qu’ils ne font pas, que c’est difficile, qu’ils ne savent pas dépasser ces difficultés»
Donc ils viennent vers nous, la première chose qu’il nous demande c’est du soutien pour se mettre en route. Donc on se demande comment les soutenir pour les mettre en route ? Est-ce en leur rappelant les choses ? Est-ce en cherchant avec eux des solutions pour qu’ils se fixent un horaire et qu’ils le tiennent ? Après on rentre dans le vif du sujet : qu’est ce que tu dois faire exactement ?
Je prends souvent la référence du cycle du temps. On l’explique aux élèves aux parents, ça fait référence aux différentes saisons mais c’est quelque chose qu’on retrouve personnellement dans les choses de la vie qu’on veut mettre en œuvre. On peut être dans une phase de découverte au départ comme au printemps où il y a des choses qui naissent et qui poussent partout. Puis ensuite dans ce qu’on découvre y’a quelque chose qui peut vraiment nous parler puis on va vouloir s’engager à faire cette chose, à avoir un objectif par rapport a un projet justement, c’est l’été. On va se lancer, on est motivé, on met les choses en route. Et ensuite on peut se retrouver dans l’automne où on va devoir faire face des difficultés. On en discutait tout a l’heure, au niveau d’enregistrer un podcast : il y a les aspects techniques, on doit faire le montage c’est compliqué, pourtant j’ai envie de le faire.
Donc toutes ces choses vont se retrouver chez les enfants. Et puis de reconnaître qu’il y a un problème, chercher comment le résoudre, comment revenir dans la phase de lancement. Puis parfois on se retrouve avec des enfants qui ont des difficultés, par exemple certains on envie d’apprendre à lire mais on voit qu’il y a des difficultés au niveau d’une dyslexie importante donc on met de la logopédie en place. Si on n’arrive vraiment pas a aller au delà et qu’on doit laisser tomber on est dans la phase de l’hiver où on se dit qu’on n’arrivera pas a réaliser le projet comme on le voulait il faut peut-être mettre sur pied des moyens compensatoire etc, pour sur de meilleures bases. Ou alors devoir laisser tomber le projet car ce n’est pas réalisable à ce moment là, etc.
Donc on les amène à comprendre que quand on est dans la phase automne ce n’est pas la qu’il faut lâcher malgré les difficultés. C’est la qu’il faut trouver des solutions pour repartir dans la phase de lancement et que quand on est dans la phase d’exploration c’est peut-être pas la qu’on va s’engager.
Quand ils veulent faire certaines choses, quand il y a des gens extérieurs qui viennent proposer des ateliers ils demandent sur combien de temps ils doivent s’engager ou s’ils peuvent juste essayer pour savoir s’ils s’engagent ou non. Ces des notions commencent vraiment à être intégrées par les enfants. Je trouve ça intéressant, ils ont bien compris ces différentes étapes.
Eduscopie : Tu parlais des ressources qu’ils trouvent en interne entre eux, avec les facilitateurs. Est-ce que vous mettez des choses en place avec des ressources externes qui peuvent être des intervenants ou sinon des lieux comme des bibliothèques sur les projets ?
Gypsy : Ils ont la possibilité de tout en fait, l’école n’est pas centrée sur elle-même on l’a vraiment ouvert a la société. Ils ont réalisés des marchés dans le village, avec le marché du village ils peuvent aller chercher des professionnels de l’extérieur quand il y a des choses spécifiques qu’ils ont besoin d’apprendre. Certains s’intéressaient par exemple à la botanique, ils ont été chercher des gens compétents du domaine. Des fois c’est les professionnels ou les gens passionnés qui viennent proposer des ateliers. À ce moment là, on les propose en conseil d’école, s’il y a plusieurs enfants qui sont intéressés on met en route.
On a aussi collaboré avec d’autre écoles. On a participer a un gros projet qui s’appelle le projet cap au nord, l’idée était de se grouper avec neuf autres écoles et de partir en expédition au Groenland avec une équipe de scientifique pour étudier le réchauffement climatique. Malheureusement avec le covid on n’a pas pu aller au Groenland mais du coup on est allé en Island et notre ambassadeur a conçu des choses avec les élèves des neuf autres écoles qui étaient des écoles publiques et alternatives.
On a aussi invité une fois une école spécialisée et une publique à venir dans notre école pour venir faire des ateliers et des activités en commun. L’idée n’est pas de se fermer c’est vraiment d’ouvrir et chacun peut proposer quelque chose.
Eduscopie : C’est chouette que ce ne soit pas cloisonné, qu’il y ait des passerelles faites entre les écoles publiques et privées.
Je vais parler d’aide d’un autre ordre mais tu m’as parlé du réseau Eudec tout à l’heure et de l’école dynamique qui t’avait aidé, est ce que vous aviez trouvé d’autres sources d’aide pour la création de votre école ?
Gypsy : On avait aussi participé au festival d’école de la vie, à des congrès. Après on va aussi prendre dans différents endroits des choses, comme le coaching en neurosciences on prend beaucoup de choses chez eux aussi pour l’école.
On a fait des formations des cercles restauratifs, en communication non violente puisqu’on ne fait pas les conseils de justice comme dans les écoles démocratiques purement Sudbury. On apprend aux enfants à gérer sur le terrain directement. Donc ça fait que maintenant on arrive a faire une médiation par semaine voire moins. Les élèves arrivent à trouver entre-eux des solutions, souvent on les questionne en leur demandant comment ils peuvent résoudre le problème, essayer de trouver des solutions par eux-mêmes, etc. Et s’ils n’y arrivent pas ils viennent nous chercher. Donc tous ces modèles là on les a pris à différents endroits.
On se nourrit aussi de différents aspects de l’entreprenariat. On va chercher des outils pour soutenir les enfants, pour qu’ils dépassent leurs croyances limitantes et leurs peurs.
Après y’a tout le domaine du spécialisé, chez nous c’est le logopédisme, les psychomotriciens, etc. Il y a pleins d’autres sources qu’on utilise pour mettre en place des choses dans l’école pour soutenir les élèves en difficultés et par conséquent tout le monde. Avoir un timer pour bien gérer son temps, etc. C’est toutes ces techniques de l’enseignement spécialisé qu’on met en œuvre chez nous pour que ça aide tous les enfants.
Eduscopie : Comment tu décrirais une journée type dans ton école du point de vue d’un élève ?
Gypsy : Alors, ils arrivent le matin, souvent ils prennent le temps de se poser un petit peu. Pour la plupart ils aiment bien faire les choses le matin juste après leur arrivée. Donc souvent ils ont des ateliers de prévus, soit fixes soit des ateliers ponctuels, s’ils ont besoin de nous ou non, ils savent comment avancer sur leurs projets.
Après vers la fin de la matinée y’a aussi beaucoup de moments où ils font des pauses, ils apprennent à s’écouter. S’ils ont passé du temps sur quelque chose d’ardue, ils vont aller poser leurs affaires et aller courir dehors un moment.
On a même un élève chez nous, sa maman nous a dit l’autre fois que c’est elle qui fait beaucoup le scolaire à la maison, chez nous on fait surtout l’apprentissage social et du quotidien, et du coup le fait de développer ces compétences exécutives comme la capacité de se concentrer sur une chose, à la faire jusqu’au bout, à trouver des solutions pour la réaliser, ça l’a vraiment aider a développer la patience et la tolérance. Et même au niveau des apprentissages scolaires sa maman nous a dit qu’il avait fait un pas de géant.
Ensuite à la fin de la matinée on a le moment collectif de nettoyage de la maison, on va inciter les enfants à s’entraider, quand j’ai fini ma tâche je vais aider celui qui n’a pas fini ou qui a besoin d’aide, lui apprendre comment il peut passer l’aspirateur comme il faut en passant derrière les objets en retirant les chaises etc. Donc c’est aussi un apprentissage de ces compétences exécutives qui est important. On voit que les enfants qui se débrouillent au ménage se débrouillent en général partout donc c’est vraiment un aspect essentiel.
Après il y a le repas puis on leur demande de ranger leurs affaires et la pièce et de prendre un temps au calme.
Ensuite ça reprend l’après midi, ils font de nouveau leurs projets ou alors des choses improvisées comme jouer dehors, faire du jardin, etc. Ils ont aussi des horaires libres, ils arrivent et partent de l’école à différents moments, donc l’ambiance change dans l’école en fonction de qui est là et des intérêts de chacun.
Eduscopie : Super, et bien maintenant on connait bien ton école dans son organisation et sa pédagogie. Je finirai sur une question, quelles sont les plus grosses difficultés que vous avez eux dans la construction et au jour le jour avec votre école indépendante ? Quels sont vos plus gros atouts ? Et enfin les conseils que vous donneriez à des porteurs de projets qui se lance dans l’aventure de la création d’une structure alternative.
Gypsy : Alors il y a eu plusieurs gros défis. D’abord la communication, parce que ça fait tellement pas parti des mœurs de travailler comme ça que c’est pleins de questions et puis pleins d’aprioris. Donc pour communiquer de ce qu’on fait au près de l’état et des parents c’est des fois pas évident. Il y a eu tout l’aspect financier qui reste toujours une grosse problématique.
Après sur les forces, il y a les compétences de l’équipe, les ressources qu’on a pu prendre de l’extérieur aussi, les exemples de ce qui fonctionnait plus ou moins bien dans les autres écoles, ça nous a vraiment aider.
Ensuite ce qui est important si on veut créer une école comme ça c’est de fédérer les forces intelligemment car il y a souvent beaucoup de motivation mais après il faut arriver à canaliser les choses pour que ce soit vraiment efficace.
Eduscopie : Oui et puis connaître les missions et les raisons de présence de chacun, est-ce qu’elles s’accordent, est-ce qu’elles peuvent aller ensemble sur le long terme, c’est plein de choses à fédérer sur le long terme comme tu dis.
Gypsy : Oui et dans un groupe qui fonctionne en sociocratie c’est toujours la raison d’être et cette raison se construit justement à la base de pourquoi les gens sont là, quelle est la mission de l’école, etc. On a aussi travaillé sur les valeurs de chacun, c’est quoi les valeurs qu’on veut faire vivre au sein de l’école ? Est-ce qu’on y adhère collectivement ou non?
Après sur nos talents, c’est un peu justement ce qu’on retrouve en entreprenariat ou en coaching, comment on peut les utiliser au mieux, comment on met nos valeurs ensemble pour voir si on adhère. La mission, qu’est ce qu’on se donne comme mission derrière ? Puis voir si chacun est ok ; une fois que tout ça est fait on avance beaucoup plus vite.
Eduscopie : Est-ce que tu veux nous parler un peu de ton podcast pour finir cette interview ?
Gypsy : Alors j’ai démarré un podcast il y a un mois environ et l’idée c’était justement de vraiment commencer à communiquer différemment avec l’expérience qu’on a de ces écoles. Au départ quand on disait le libre choix des apprentissages c’était vu comme une anarchie. Mais en fait j’ai une phrase de base qui me vient, c’est comme celle de superman, « un grand pouvoir implique de grande responsabilité », pour moi c’est « une grande liberté implique de grande responsabilité » et on le voit dans l’école chez nous. Un enfant qui est irresponsable on va lui enlever une certification, il va être privé d’une certaine liberté. Et le fait de prendre conscience de ça, que ce n’est pas l’anarchie que ce n’est pas juste l’enfant roi qui va décider de tout mais que c’est un apprentissage qui va amener l’enfant a prendre conscience des choses, à se responsabiliser, à s’auto contraindre quelque part.
Dans la communication j’avais envie de transmettre comment on fonctionne, les outils qu’on utilise, pour que ça deviennent plus concret pour les gens, pas juste sur des aprioris mais vraiment sur une expérience vécue et que ces écoles puissent gentiment faire leur chemin dans la conscience collective et que ce soit aussi un modèle qui soit intéressant. Maintenant je vois aussi qu’il y a des enfants qui sont partis de l’école ou je suis car ils disaient que c’était trop difficile pour eux de se prendre en main et de s’auto discipliner, qu’ils préfèrent quand ça vient encore de l’extérieur et qu’on leur donne des horaires et qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire, c’est plus facile.
Donc je pense que d’avoir des modèles différents à différents moment de notre vie ça serait vraiment pouvoir ouvrir plus les possibilités d’avoir un large panel d’écoles qui correspondent aux besoins de chacun aux différents moments de sa vie.
Eduscopie : Super, on finit par un conseil, quel conseil tu donnerais à quelqu’un qui se lance dans l’aventure de la création ?
Gypsy : De bien définir les choses, de canaliser les énergies. Pour moi c’est une aventure humaine qui fait grandir personnellement, j’ai énormément appris, les porteurs de projets aussi. Même maintenant dans l’école on grandit tous à travers ça, mais c’est vrai que de grandir ça demande de lâcher des choses, ça demande de bousculer, de la rétrospection, aussi du temps et de l’énergie et il ne faut pas craindre ça parce que au bout ce qu’on en retire c’est énorme. Mais c’est vrai que c’est extrêmement contraignant, un peu comme ce qu’on demande à nos élèves qui se lancent dans des projets : c’est contraignant mais il faut y arriver.
Eduscopie : Merci beaucoup pour cette interview.
Gypsy : Merci à toi.
Eduscopie : Au plaisir de ré-échanger sur d’autres thématiques !
« Une grande liberté, implique de grande responsabilité »